Samia ne s’était doutée de rien. Ni le lundi ni le mardi, ni même le dernier soir.
Régus, son chien depuis douze ans, avait toujours eu ce regard loyal, un peu pudique, jamais plaintif. Alors lorsqu’il a commencé à ralentir, elle a mis sur le compte de l’âge et du besoin de repos.
Elle n’a pas compris que le compte à rebours avait commencé.
Jour 3
Ce matin-là, Régus, le chien de Samia ne saute pas sur le lit. Il ne vient pas non plus réclamer sa promenade. Il regarde Samia avec un regard flou.
De son côté, Samia pense qu’il est simplement fatigué. Elle caresse distraitement sa tête tandis qu’il retourne dans son panier.
Avant de partir au travail, elle lui murmure : « Sois sage mon petit Régus, je rentre vite. »
- Elle n’a pas remarqué son souffle court
- Elle n’a pas compris que son corps ralentissait
Jour 2
Quand elle rentre, il est toujours là.
Allongé exactement au même endroit que le matin. Il n’a pas bougé d’un poil.
Samia appelle doucement : « Régus ? » Il entrouvre un œil. Puis le referme aussitôt. Elle le trouve calme. Trop calme.
Il a grignoté un peu et il a également bu. Ça la rassure un peu.
« Peut-être un petit coup de fatigue. On verra demain », murmure-t-elle en rangeant ses affaires.
Ce qu’elle ignore, c’est que Régus, lui, ne prévoit pas de demain.
Il est déjà en train de partir discrètement.
Jour 1
Cette nuit-là, elle n’a pas pu dormir facilement. Elle a donc installé un matelas à côté de lui. Elle veut rester près de lui.
Il ne bouge presque plus et d’ailleurs il tremble légèrement. Il pose la tête sur ses jambes.
Samia sent que quelque chose cloche. Elle se dit qu’il faut voir le vétérinaire, demain.
Elle lui promet : « Demain matin, on y va. »
Malheureusement, demain ne viendra pas.
Jour 0
Elle se réveille dans le silence, ce jour-là. Un silence assourdissant appuie l’air ambiant.
Régus est allongé et immobile. Son corps est chaud mais déjà parti.
Elle pose une main sur lui. Il ne réagit pas, pour la simple et bonne raison qu’il n’est plus là. Un abîme.
Signes de fin de vie chez le chien
Comprendre les signaux avant le départ
Les chiens n’expriment pas la douleur ou la fin de vie de manière spectaculaire. Ce sont souvent des signes subtils qui, une fois cumulés, doivent alerter :
- Perte d’appétit progressive
- Isolement (le chien cherche la solitude)
- Respiration plus lente ou irrégulière
- Fatigue extrême, difficulté à se lever ou se déplacer
- Regards insistants, longs, comme s’il cherchait un dernier contact
- Réactions faibles voire absentes aux stimulations habituelles
Ces signes n’impliquent pas toujours un décès imminent, mais doivent inviter à la vigilance, surtout chez un chien âgé ou malade.
« Les chiens savent. Ils sentent quand leur corps décline. Et ils essaient souvent de nous protéger de leur propre fin. »
– Dr Élodie S., vétérinaire comportementaliste
Certains chiens vont jusqu’à se cacher, ou s’éloigner volontairement, comme s’ils voulaient partir en silence, sans déranger.
Ce comportement ancestral rend la fin encore plus difficile à percevoir.
Samia n’avait pas vu. Comme tant d’autres.
Rien ne ressemblait à une alerte. Rien ne criait l’urgence.
Mais on ne veut jamais croire que c’est la fin. Alors on repousse. On espère. On rationalise.
Samia aurait aimé savoir
Aujourd’hui, Samia garde la couverture auprès d’elle et ce dernier regard de Régus dans la mémoire.
Elle ne se reproche rien mais elle aurait aimé savoir juste un peu plus tôt.
Régus est parti assez silencieusement, et elle, comme beaucoup, est restée avec un doute.
Certains départs ne font pas de bruit. Ils ne s’accompagnent ni de cris, ni de gestes spectaculaires. Ils se traduisent par un ralentissement progressif, souvent imperceptible. Les animaux, et particulièrement les chiens, s’effacent avec pudeur, sans chercher à inquiéter.
Régus n’a pas manifesté de douleur visible et n’a pas cherché à alerter. Il a simplement réduit son rythme, comme s’il préparait lui-même son départ.
Samia n’a pas compris les signes et ce n’est pas de sa faute. Elle ne les a pas vus. Elle pensait qu’il vieillissait et qu’il avait simplement besoin de repos.
Il s’agissait de cette tendance humaine à espérer, à croire que tout ira mieux demain.
Aujourd’hui, Samia conserve la couverture dans laquelle elle l’avait enveloppé. Elle se souvient de ce dernier regard, à la fois doux et lointain.
Peut-être qu’il voulait lui dire merci. Peut-être qu’il essayait simplement de lui dire au revoir.
Les départs silencieux laissent peu de traces visibles. Pourtant, ils marquent profondément et restent longtemps dans la mémoire.
Une histoire relayée par Samia d’Agen pour Planipets
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