Dans l’indifférence la plus totale, des milliers d’animaux vivent l’isolement chaque semaine pendant que leurs maîtres partent “quelques jours”. Mais jusqu’où peut-on parler d’abandon ?
Un week-end sur deux, il ne reste que le silence dans ce 20 m²
Le petit studio situé au cinquième étage d’un immeuble sans ascenseur est plongé dans le noir dès le vendredi soir. À l’intérieur, un bol d’eau presque vide, une gamelle de croquettes à moitié renversée, et un chien, seul, qui attend. Chaque week-end, Théo, 29 ans, quitte son logement parisien pour rejoindre sa compagne à Lille. « Ce n’est que pour deux nuits, je pars le vendredi soir et je reviens le dimanche soir. Je lui laisse tout ce qu’il faut, il a l’habitude. »
Ce chien “qui a l’habitude”, c’est Jojo, un croisé berger d’à peine quatre ans. Depuis plus d’un an, Jojo vit ces absences répétées sans que personne ne s’en inquiète vraiment. Pas de visiteur, pas de pet-sitter. « C’est pas comme si je le laissais une semaine. »
L’isolement régulier d’un animal : un abandon qui ne dit pas son nom
Légalement, l’abandon est défini comme le fait de laisser un animal sans soins, sans nourriture ou sans hébergement. Or, à la lettre, Théo remplit ses obligations minimales : Jojo a un toit, de l’eau, des croquettes. Mais la solitude, elle, ne figure dans aucun code pénal.
Pourtant, les conséquences de ces absences répétées sont bien réelles. Jojo ne sort pas, n’a aucun contact social pendant deux jours, parfois plus. Il fait ses besoins à l’intérieur, gratte la porte, aboie à intervalles réguliers. « Je crois qu’il fait ça quand il entend des gens dans le couloir », confie un voisin. « Le samedi et le dimanche, on sait qu’il est tout seul. »
Des voisins impuissants, une gêne grandissante, et un silence coupable
Au troisième étage, Inès, 42 ans, entend Jojo tous les week-ends.
« Il pleure, c’est insoutenable. Le pire, c’est que je n’ai aucun recours. J’ai déjà glissé un mot sous la porte, sans réponse. » D’autres voisins parlent d’aboiements la nuit, de grattements incessants, de plaintes. « Ce chien ne vit pas, il attend. »
Mais que faire quand un animal n’est pas techniquement maltraité, mais éthiquement négligé ? La ligne est floue. Trop floue. Et elle laisse dans l’ombre des milliers de cas similaires.
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Une tendance de fond : “je pars le week-end, il reste là”
Jojo n’est pas un cas isolé. Sur les forums, dans les groupes d’entraide, les témoignages affluent :
« Je laisse mon chat du vendredi soir au dimanche, il gère. »
« Mon lapin a de l’eau automatique et du foin à volonté, il peut tenir. »
« J’ai un chien calme, il ne détruit rien pendant mon absence. »
La justification est toujours la même : ce n’est pas longtemps. Une habitude qui s’installe dans les usages, tolérée tant qu’elle reste discrète. « Ce qui dérange les gens, ce n’est pas que l’animal soit seul, c’est qu’il fasse du bruit », résume sèchement une locataire interrogée.
Quand l’inaction devient la norme, et la solitude une peine
Jojo, lui, ne fait pas de vagues. Il attend, parfois prostré dans un coin, parfois tournant en rond pendant des heures. Sa litière improvisée — des journaux étalés près de la porte — ne suffit pas toujours. Et ses repas, laissés en vrac, fermentent dans la chaleur du studio mal ventilé.
« Je l’aime, je vous jure que je l’aime », insiste Théo. « Je ne peux juste pas l’emmener là-haut, elle est allergique. »
Aimer un animal, est-ce compatible avec l’idée de l’isoler délibérément chaque semaine ? Combien de fois peut-on l’“oublier” pour aller vivre ailleurs, sans qu’il ne fasse partie du programme ?
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Une absence banalisée qui détruit le lien, semaine après semaine
Un chien n’a pas la même notion du temps qu’un humain. Deux jours d’absence toutes les semaines, cela représente près de quatre mois par an sans interaction. Sans caresse. Sans sortie. Et à chaque retour, c’est un lien qu’il faut réamorcer.
Certains chiens développent des troubles du comportement : apathie, malpropreté chronique, agressivité, destruction, automutilation. D’autres s’éteignent lentement, par résignation.
« Au début, il sautait dans mes bras quand je rentrais. Maintenant, il reste dans son coin et me regarde. Je crois qu’il me fait la tête », dit Théo en riant jaune.
Ce qu’on tolère pour les animaux qu’on dit aimer
La société ferme souvent les yeux sur ce type de négligence “douce”, car elle ne choque pas. Il n’y a pas de coups, pas de cris, pas de blessures. Il n’y a que le vide. Et dans ce vide, des animaux invisibles qui survivent plutôt qu’ils ne vivent.
« Je comprends qu’on ait envie de partir en week-end », commente une riveraine, « mais alors on ne prend pas un chien. On ne prend pas un être vivant si c’est pour le poser comme un meuble chaque vendredi soir. »
Quand la solitude devient la règle, pas l’exception
Jojo a cessé de pleurer la nuit. Il n’aboie presque plus. Ce que certains voient comme une amélioration pourrait bien être un signal d’alerte. Un signe que l’animal abandonne toute tentative de contact. Qu’il ne croit plus en un retour rapide, ni en un lendemain meilleur.
Il dort plus qu’il ne veille. Il mange par réflexe. Il regarde la porte sans espoir. Jojo est devenu un meuble animé, un fantôme discret dans un studio vide.
Des solutions existent, mais encore faut-il vouloir les mettre en place
Faire appel à un voisin, à une garde d’animaux, à un promeneur bénévole… Les options existent. Elles demandent un peu de volonté, un peu de logistique, parfois quelques euros. Mais surtout, elles demandent une prise de conscience : partir sans son animal, c’est une décision qui se prépare, pas un réflexe qui se répète.
Dans le cas de Jojo, aucune solution n’a été envisagée. « Je travaille la semaine, je ne vais pas non plus me prendre la tête le week-end », conclut Théo.
Et si on décidait enfin de dire que non, ce n’est pas normal ?
Laisser un chien seul dans un studio deux jours par semaine, 52 fois par an, ce n’est pas anodin. C’est un schéma régulier, systémique, qui sape jour après jour la qualité de vie de l’animal.
Ce n’est pas “moins grave” qu’un abandon, c’en est une autre forme. Une forme lente, sourde, socialement acceptée, mais tout aussi destructrice.
Jojo n’est pas un cas à part. Il est l’exemple parfait d’un phénomène toléré, car invisible. Un rappel que le simple fait d’aimer ne suffit pas. Que l’amour ne peut pas être un mot jeté à la volée pour excuser l’absence.
Il est temps de nommer les choses. De regarder ces chiens oubliés derrière les rideaux tirés. De refuser la normalisation de l’oubli organisé. Parce qu’un animal seul, chaque week-end, ce n’est pas “pas grand-chose”. C’est déjà trop.
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