Article rédigé par Loréna Achemoukh pour Planipets Média
Chaque jour, en France, des vétérinaires subissent une pression insidieuse : épuisement émotionnel, pensées suicidaires, surcharge de travail. Aujourd’hui, on chiffre rarement les pertes économiques, mais leurs conséquences humaines et sectorielles sont palpables sur le terrain. Loin des projecteurs médiatiques, les cliniques vétérinaires deviennent pour beaucoup des lieux d’urgence silencieuse.
Un mal‑être chiffré… et alarmant
En 2022, une étude portée par l’Ordre national des vétérinaires en collaboration avec Vétos-Entraide a révélé que les vétérinaires affichent un niveau d’épuisement émotionnel 1,5 fois supérieur à la moyenne nationale, et supérieur même à celui des agriculteurs. Les résultats sont sans équivoque : 4,8 % ont déclaré des pensées suicidaires fréquentes, 18,4 % les ont éprouvées occasionnellement. Ce qui ramène à près d’un quart de la profession touchée.
Selon l’étude, les principaux facteurs déclencheurs sont : la charge de travail abusive, la peur de commettre une erreur, l’émiettement des tâches, les conflits internes ou encore la relation difficile avec certains clients. À cela s’ajoute la solitude du praticien, notamment en zone rurale, où l’isolement professionnel devient une norme. Loin d’être des généralités, ces chiffres traduisent un malaise profond et répandu.
Vous êtes vétérinaire et ressentez une fatigue qui ne dit pas son nom ?
Isolement, surcharge émotionnelle, manque de reconnaissance : ces signaux ne doivent pas être banalisés. Chaque semaine, recevez des ressources fiables pour préserver votre équilibre mental, prendre du recul, et découvrir des outils concrets pensés pour vous, professionnels de la santé animale.
👉 Inscrivez-vous dès maintenant
Des témoignages qui font froid dans le dos
Sur les groupes professionnels, dans les colloques ou lors d’échanges informels entre confrères, la détresse s’exprime sans filtre. Un vétérinaire résume ainsi son quotidien :
« On me demande de faire une chirurgie pour la première fois, alors que j’ai déjà quatre consultations à gérer en 30 minutes… Stress garanti ».
Déborah Tupin, dans une thèse réalisée auprès de 235 vétérinaires, confirme : près de la moitié reconnaissent avoir connu un état de burn‑out au cours de leur carrière.
Un autre témoignage, publié par Vet’Side, évoque la « fatigue de compassion » : « Vous devez gérer l’euthanasie d’une chatte aimée, apaiser une propriétaire en larmes, et enchaîner sur une urgence canine, le tout en quelques minutes… Certains jours, on se laisse submerger ».
Ces confidences traduisent la difficulté de poser des limites émotionnelles et de supporter une sollicitation permanente.
L’irruption du suicide dans le monde vétérinaire
Les chiffres sont glaçants : 4,7 % des vétérinaires ont déjà tenté de se suicider. Ce niveau de risque est deux à trois fois plus élevé que dans la population active générale. Et les femmes sont particulièrement exposées. Il est aujourd’hui admis que la profession figure parmi les plus exposées aux idéations suicidaires en Europe.
Dans certaines cliniques, les directions commencent à mettre en place des équipes de soutien psychologique. Mais la question reste souvent taboue. La parole se libère lentement, freinée par une culture médicale encore marquée par la performance et l’autosuffisance.
Un déficit de reconnaissance
Malgré ces réalités dramatiques, le public et les médias généralistes peinent à accorder l’ampleur nécessaire à cette crise. Contrairement aux médecins ou aux enseignants, les vétérinaires sont souvent perçus comme des « chanceux entourés de chiots », sans qu’on imagine le poids réel de leur quotidien. À cela s’ajoute une incompréhension des enjeux financiers : nombreux sont ceux qui ignorent que les jeunes vétérinaires sortent de formation avec plus de 70 000 € de dette.
Dans les zones rurales, l’enjeu est d’autant plus pressant : on compte environ 20 000 vétérinaires pour plus de 75 millions d’animaux de compagnie. Certaines cliniques ferment ou limitent leurs horaires faute de bras. Et la charge mentale explose pour ceux qui restent. Ce sont des villages entiers qui se retrouvent sans solution de soins animaliers.
Vous exercez en clinique, en zone rurale ou à votre compte, et vous ressentez un poids constant sans toujours pouvoir en parler ? Vous n’êtes pas seul·e. Pressions économiques, attentes démesurées, charge émotionnelle… Il est temps de mieux s’armer face à ces réalités. Recevez chaque semaine des outils concrets et des conseils adaptés à votre quotidien.
Des premières mesures en place
Le constat est acté, les premières réactions sont en cours. Vétos-Entraide propose écoute et accompagnement psychologique. L’Ordre national des vétérinaires diffuse des guides pratiques de prévention. L’Institut national de recherche et sécurité (INRS) encourage une approche centrée sur la charge mentale et la flexibilité du travail.
Dans certaines cliniques, des changements s’opèrent : débriefings réguliers, recours à l’IA pour automatiser la paperasse, planning repensé autour des flux de patients. L’objectif est clair : réduire la pression, redonner du sens, stabiliser les équipes.
Et en entreprise : l’auberge de campagne devient un symbole
Dans le monde rural, certains vétérinaires vivent une surcharge constante. À Lannemezan, un cabinet reçoit jusqu’à cent consultations par jour. Urgences, visites à la ferme, écarts de planning… tout s’enchaîne sans répit. Les salaires restent faibles : autour de 2 000 € brut en début de carrière. La conséquence : les jeunes délaissent ces zones, préférant les cliniques urbaines aux horaires stables.
Pourquoi agir est vital
La situation française n’est pas isolée. Le burn‑out n’est ni marginal ni passager. Il est structurel. Si rien ne change : des cliniques fermeront, les jeunes fuiront la profession, et les animaux seront soignés avec retard. L’enjeu est sociétal. Il concerne aussi la santé publique et le lien social.
Trois leviers clés pour agir
- Revaloriser les salaires et le statut, notamment dans les zones périurbaines.
- Repenser la gestion interne : mieux partager les tâches, utiliser les outils numériques, anticiper les pics d’activité.
- Soutenir les équipes par des espaces de parole, du coaching, et des dispositifs anonymes d’alerte.
En conclusion
Le burn‑out vétérinaire en France est une réalité mesurable. Les chiffres sont là, les témoignages aussi. Il ne s’agit plus seulement d’en parler. Une mobilisation collective s’impose. Car soutenir les vétérinaires, c’est protéger notre lien avec le vivant.
Appel à contribution
Vous êtes vétérinaire, ou vous travaillez en clinique, en itinérance ou à votre compte ?
Vous avez vécu, vu ou ressenti des situations de surcharge, de fatigue morale ou d’isolement professionnel ?
Chez Planipets Média, nous croyons qu’aucun professionnel du soin animal ne devrait traverser ça seul.
Écrivez-nous si vous souhaitez partager un témoignage (même anonyme), une anecdote, ou simplement un ressenti.
Votre parole peut éclairer, réveiller et soutenir d’autres professionnels. Elle peut aussi faire bouger les lignes.
📬 Contact :cliquez ici pour un premier contact
Chaque témoignage est lu, pris au sérieux, et traité avec respect et confidentialité.
Vous n’êtes pas seul·e. Et votre voix compte.
C’est en partageant qu’on fait bouger les lignes. Partagez ça sur vos réseaux
Nos lecteurs n’en sont pas restés là . Ils ont craqué pour ces autres sujets
Lundi 11 août, en fin d’après-midi, le sud de la Charente a été plongé dans un scénario de crise que personne ne souhaite vivre. Un feu, parti de la commune de Saint-Vallier et rapidement attisé par la chaleur extrême et la sécheresse, a dévoré près de 230 hectares de massif forestier en quelques heures. Si,…
Ces derniers jours, les thermomètres s’affolent. Le mercure dépasse les 40 °C dans de nombreuses régions, battant parfois des records absolus. Les nuits restent lourdes, étouffantes, sans offrir de véritable répit. Ce épisode caniculaire hors norme n’épargne personne. Mais dans l’ombre des bulletins météo et des alertes officielles, il y a des victimes silencieuses :…
Un ciel gris, des aboiements un peu plus nerveux Le 11 août 2025, un panache de fumée s’est élevé dans le ciel de Mérignac, tout près de l’aéroport bordelais. Rien de dramatique sur le plan humain : le feu a été rapidement fixé, grâce à l’intervention rapide de deux Canadair et des moyens au sol.…
Avec son allure de nounours et son pelage dense qui attire tous les regards, le Bobtail poil long ne passe jamais inaperçu. Ce chien venu de Grande-Bretagne séduit par son style inimitable, mais aussi par sa personnalité attachante et sa présence rassurante. Derrière cette silhouette touffue se cache un compagnon intelligent, joueur et affectueux, qui…
Continue Reading Bobtail poil long : santé, caractère et alimentation de ce chien unique
La parvovirose canine. Le simple nom peut inquiéter les propriétaires de chiens. Cette maladie, hautement contagieuse et potentiellement mortelle, a récemment été détectée dans le Puy-de-Dôme, au sein d’une portée de chiots non-vaccinés. Pourtant, il existe aujourd’hui des moyens simples et efficaces pour protéger son compagnon. Comprendre le virus, savoir comment il se transmet et…
Continue Reading Parvovirose canine : ce que tout maître doit faire pour éviter le pire
Ce texte que beaucoup voient comme agricole… et qui pourrait empoisonner nos animaux Quand la loi Duplomb a été adoptée début juillet 2025, les projecteurs médiatiques se sont tournés vers ses impacts sur l’agriculture industrielle. Peu ont pris le temps d’en mesurer les conséquences pour ceux qui partagent nos maisons et nos jardins : les…