Tous les matins, à 7h30 précises, Isabelle se lève, ouvre le placard, sort le paquet de croquettes et verse une poignée dans la petite gamelle bleue posée au sol, à gauche du frigo. Pourtant, il n’y a plus de chat.
Depuis trois mois, personne ne vient trottiner dans le couloir. Pas de miaulement, pas de frottement contre les jambes. Mais le geste demeure, mécanique et silencieux, comme un écho dans un quotidien devenu bancal.
« Je ne peux pas ne pas le faire, c’est plus fort que moi« , confie Isabelle, 58 ans. Ce qu’elle appelle aujourd’hui « le geste« , comme si c’était quelque chose de détaché d’elle. « Je me rends compte que c’est absurde, mais si je ne le fais pas, ma journée ne commence pas.«
Le chat s’appelait Moka. Adopté 11 ans plus tôt, un européen noir et blanc trouvé sur une aire d’autoroute pendant un week-end de mai. Il est mort doucement, dans un coin du canapé, un dimanche d’avril. « Je l’ai veillé toute la nuit. Le matin, il n’y avait plus rien : plus de souffle, plus de chaleur. J’ai eu l’impression qu’on me retirait une fondation sous les pieds.«

Elle ne l’a pas pleuré longtemps.
« J’ai repris le travail deux jours plus tard. Je me suis dit que j’étais forte. Mais à la maison, il y a comme un vide qui a pris la place de l’air. Alors j’ai gardé son coussin, puis sa gamelle. Puis j’ai continué à la remplir. »
La maison figée dans le temps
Là où Moka circulait autrefois, il n’y a plus que du silence. Chaque objet est resté à sa place. Rien n’a été déplacé, rien ne doit l’être.
Isabelle n’a pas touché au plaid sur lequel il dormait, ni au griffoir usé sous le meuble télé. « Je ne me dis pas que je le garde en vie. Je sais qu’il est parti. Mais ces choses me permettent de ne pas le perdre une deuxième fois.«
Elle reçoit peu. Quand sa sœur est passée il y a deux semaines, elle lui a demandé : « Tu n’as pas jeté ses affaires ? » Isabelle a répondu : « Et toi, tu as vidé la chambre de papa tout de suite après son enterrement ? » Il y a eu un silence. La conversation a changé de sujet.
« Je le nourris pour ne pas oublier qu’il a existé »
Ce n’est ni du déni ni de la folie. C’est de l’attachement qui refuse de mourir en même temps que l’animal.
Chaque poignée de croquettes, chaque bol rempli, chaque bruit du sachet ouvert est un rappel : il a été là, il faisait partie de la maison. « C’est bête, mais j’ai peur qu’un jour je ne me rappelle plus la sensation de sa présence. Alors je m’accroche aux gestes. »
Parfois, Isabelle verse les croquettes et reste là, debout, une minute. Elle regarde la gamelle et attend. Elle ne sait pas vraiment quoi. Peut-être un bruit de patte, un reflet, une forme. Puis elle reprend sa journée comme si de rien n’était.
Le silence qui entoure le chagrin animal
Ceux qui savent ne savent pas quoi dire. Ceux qui ne savent pas ne posent pas la question. Il y a cette pudeur sociale autour du chagrin animal, comme si pleurer un chat c’était pleurer à moitié.
« Une collègue m’a dit : ‘Tu pourrais en adopter un autre, ça te ferait du bien.’ Mais ce n’est pas une fonction qu’on remplace. Moka n’était pas un écran qu’on éteint pour en rallumer un autre. C’était une présence, un dialogue silencieux, un être entier. »
Isabelle parle de lui au présent, parfois au passé. Elle alterne sans s’en rendre compte. « Il dormait là… Il aime le soleil du matin... » Les temps s’emmêlent, comme si la maison refusait de basculer totalement dans l’absence.
Une douleur invisible
La perte d’un animal n’a pas d’enterrement officiel, pas de courrier administratif, pas de reconnaissance publique. Pourtant, elle laisse un creux brutal.
Il n’y a pas de faire-part, pas de fleurs, pas d’arrêt de travail. Mais la routine reste en morceaux. « J’ai perdu des proches. Mais Moka, c’était autre chose. Il ne m’a jamais jugée. Il m’a tenue en vie certaines semaines. Il m’a vue au pire sans reculer. »
C’est peut-être ça qui rend cette perte si sourde. Elle ne se hurle pas, elle se glisse partout. Et quand elle ne trouve plus de mots, elle prend la forme d’une poignée de croquettes dans une gamelle vide.
« Je le ferai jusqu’à ce que je ne le fasse plus »
Elle n’a pas décidé combien de temps ça durerait. Elle n’a pas prévu d’arrêter ni prévu de continuer. Elle suit quelque chose de plus ancien que la logique.

Isabelle ne cherche pas à guérir vite. Elle ne cherche pas à tourner la page. « Les gens veulent qu’on ‘passe à autre chose‘. Mais parfois, il n’y a pas d’autre chose. Il y a juste l’avant. Et maintenant. »
Elle s’est rendue compte un matin qu’elle n’avait plus de croquettes. En achetant un nouveau paquet, elle s’est demandé : « Est-ce que c’est absurde ? » Puis elle a répondu elle-même : « Peut-être. Mais c’est humain.«
Remplir une gamelle vide, c’est plus qu’un geste. C’est refuser que l’amour soit périssable. C’est dire, même sans mot : « Tu comptes encore. »
Dans une époque où tout va vite, où l’on zappe et efface, il existe encore des gens qui refusent d’oublier. Pas pour se faire mal, mais pour continuer d’aimer, même dans le silence. Même dans le manque.
Et parfois, ce silence prend la forme simple d’un bol posé sur le carrelage et d’un sachet entrouvert chaque matin, pour un chat qui ne viendra plus mais qui, pour celle qui l’aimait, est encore là.
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