À Jassans-Riottier, une commune proche de Villefranche-sur-Saône, on peut apercevoir une affiche municipale qui félicite les habitants comme suit :
“BRAVO ! Vous avez économisé 135 €”
Juste en dessus, une illustration montrant un maître ramassant la crotte de son chien. Et la mention de l’amende prévue.
Sur le papier, c’est positif. Dans le message, c’est autre chose.
Une économie de… sanction ?
Depuis quand le respect des autres est-il présenté comme une “économie” ? On ne parle pas ici d’un avantage fiscal, d’une aide ou d’un bonus. Non. On félicite les citoyens pour ne pas avoir été sanctionnés. C’est un peu comme dire à un piéton : « Merci de ne pas avoir traversé au rouge, vous avez évité une prune. »
Cette affiche dit en creux : « Bravo, tu n’as pas été racketté. » Ce qui trahit un modèle bien ancré :La commune ne valorise pas le bon comportement, il monétise le mauvais.
En France, la pédagogie passe par la caisse
Il suffit de regarder autour de soi :
- amendes pour stationnement,
- pénalités pour impôts en retard,
- sanctions pour dépôt sauvage,
- redevances pour ci,
- forfaits pour ça.
Peu de pays ont autant institutionnalisé l’idée que ce qui ne passe pas par le porte-monnaie ne vaut pas la peine d’être transmis.
Le civisme ne se construit plus par l’exemple, la confiance ou l’éducation. Non ! Il est facturé à l’avance. Et si vous avez le bon comportement ? Ce n’est pas votre respect qu’on salue, c’est juste l’amende qu’on n’a pas pu encaisser.
C’est là qu’est le basculement : le respect devient un manque à gagner pour les pouvoirs publics. Et ça, ça dérange.
Les propriétaires de chiens en ligne de mire
Les maîtres d’animaux sont devenus, à leur insu, les cibles parfaites de cette logique.
Un chien, c’est un être vivant… mais c’est aussi une source potentielle d’amendes.
- Pas de laisse ? Paf.
- Pas de sac à crottes ? Re-paf.
- En dehors des zones autorisées ? Encore paf.
Ce n’est pas qu’on ne veut pas de chiens. C’est qu’on veut les rentabiliser à la moindre incartade.
Une société du soupçon
Ce type d’affiche traduit un état d’esprit : celui d’une société qui ne part plus du principe que vous êtes responsable, mais que vous êtes potentiellement fautif. Et que votre seule chance d’avoir la paix, c’est de prouver que vous ne méritez pas de payer.
C’est une logique anxiogène, infantilisante, et profondément inefficace sur le long terme. Car elle ne fabrique pas des citoyens engagés. Elle fabrique des gens qui avancent la peur au ventre, en se demandant où se cache le prochain piège tarifé.
Et si on changeait de logiciel ?
Ramasser la crotte de son chien, ce n’est pas un exploit. Ce n’est pas non plus une économie. C’est juste un geste normal.
Ce qui manque aujourd’hui, ce n’est pas plus d’amendes. C’est plus de reconnaissance pour les gens qui font déjà les choses bien, chaque jour, sans projecteurs, sans validation, et sans menaces.
Ce n’est pas en valorisant l’évitement de la punition qu’on construit une société apaisée. C’est en restaurant le sens du collectif, du respect, et de la responsabilité partagée.
Et si, pour une fois, on disait simplement : “Merci. C’est normal. Et c’est précieux.
Un regard signé Loréna Achemoukh, Planipets Magazine.
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