Chaque été, des milliers de chiens sont abandonnés. Cet épisode animée de Rex & Minou raconte ce que les chiffres cachent. Et ce que l’État ne veut pas voir. Visionnez l’épisode ci-desous
Dans l’épisode animé, un chien court avec désespoir, tire sur sa laisse et est freiné brutalement. Sa laisse l’a stoppé net, mais ses yeux continuent de chercher la voiture qui vient de disparaître à jamais.
Rex & Minou est une série animée créée par Planipets. Dans l’épisode du jour intitulé « l’abandon muet », nous découvrons un chien laissé seul sur un parking. Quelques heures plus tôt, il montait tout heureux dans cette même voiture. Mais son humain l’a déposé, attaché à un poteau, puis est reparti sans un mot d’explication.
En plein pic de chaleur de l’après-midi, d’autres passants défilent devant lui. Parmi eux, Franck, personnage humain récurrent de la série, passe en balade avec Rex en laisse et Minou dans son panier. Personne ne remarque le chien abandonné. Il est là, visible, mais invisible, aux yeux de tous.
Et c’est peut-être ça, le plus brutal dans cette scène : l’indifférence générale qui entoure cette tragédie silencieuse.
Cette séquence n’est pas exagérée mais parfaitement réaliste. Dans la majorité des cas d’abandon, ce ne sont pas des cris qui résonnent, mais le silence qui entoure la scène.
Ce que vit un chien abandonné — Le regard de Jennifer Barbier comportementaliste-éducatrice canin à Saint-Symphorien-sur-coise – Cynofil
Jennifer Barbier, éducatrice canine à Saint-Symphorien-sur-coise et créatrice de Cynofil- dans le département du 69, rencontre des chiens traumatisés depuis le début de sa carrière. Pour elle, les chiens abandonnés ne sont pas désobéissants, ni ingérables. Ils sont profondément blessés et souvent incompris par la société.
« Un chien abandonné ne comprend pas ce qu’on lui fait », explique-t-elle. « Il ressent la douleur, mais il ne peut pas conceptualiser ce qui lui arrive. Il attend, il scrute, il espère le retour de son maître. Et puis un jour, il n’espère plus. »
Ce qu’elle observe, ce sont des animaux qui n’ont pas les codes pour se défendre, alors ils s’effacent progressivement ou ils explosent soudainement. Mais dans tous les cas, ils réagissent à une trahison qu’ils ne peuvent pas nommer.
Jennifer explique que beaucoup de comportements jugés « sages » ou « adaptés » sont en réalité des mécanismes de repli psychologique :
« Il ne mord pas ? Ce n’est pas forcément qu’il est gentil. Parfois, il s’est juste résigné à son sort. »
Son approche thérapeutique, elle la décrit comme une reconstruction patiente. Ni contrôle autoritaire, ni mollesse excessive, mais juste un cadre respectueux : « Tendre la main, oui. Mais il faut que cette main soit digne de confiance et disponible pour l’animal. »
Chaque jour, elle tente de rouvrir une porte vers la confiance afin que l’animal retrouve le droit d’exister pleinement, en sécurité. Elle sait que c’est possible grâce à sa propre expérience. Sa propre chienne avait été abandonnée et pendant des années, elle a travaillé à ses côtés, devenant bien davantage qu’une complice de terrain.
Pour Jennifer, elle est restée la preuve concrète qu’un lien brisé peut être reconstruit. Oui cette reconstruction n’est jamais vraiment à l’identique, ni sans effort considérable mais avec patience, confiance et respect, un lien nouveau peut naître, profond et durable.
Ce que montrent les dernières images de l’épisode
La scène finale de l’épisode résume parfaitement tout le message. Léa, éducatrice comportementaliste de la série, s’approche doucement du chien abandonné. Elle ne parle pas pour ne pas l’effrayer et tend la main, à bonne distance. Le chien l’observe, hésite quelques instants, puis s’approche avec une joie mêlée d’excitation.
Christine Malenfant, éducatrice canine à Paris, résume ainsi cette approche : « On ne caresse pas un chien (traumatisé) sur la tête sans accord préalable (d’autant plus s’il sort de refuge). On lui laisse le choix d’entrer en lien avec nous. Et même à ce moment là, il est préférable de caresser l’épaule, les flancs ou le poitrail.» Cette philosophie a guidé la réalisation même de la scène.
Dans cet univers animé, le silence règne en maître, mais chaque geste compte et porte un message.
L’abandon en chiffres : un fléau invisible mais massif
Chaque année, 200 000 animaux sont abandonnés en France. Cela représente un abandon toutes les deux minutes, sans interruption. C’est un vrai sujet.
L’été concentre la majorité des cas d’abandon. Et malgré des lois durcies depuis 2021, le chiffre ne baisse pas significativement.
Le gouvernement communique sur le sujet, mais les refuges débordent de nouveaux pensionnaires. Les fourrières euthanasient faute de place suffisante. Les campagnes #StopAbandon reviennent chaque été, sans moyens réels pour agir efficacement.
Il existe désormais un certificat d’engagement, une interdiction de vente en animalerie, des sanctions juridiques renforcées. Mais aucun plan structurel ni ligne budgétaire à la hauteur du problème n’ont été mis en place.
L’abandon comme symptôme d’une faille humaine
Pour Elisabeth Sandrin, communicante animalière implantée à Rivolet dans le Rhône mais exerçant dans toute la France , ce qui remonte dans ses échanges avec les animaux va plus loin que la simple négligence :
« L’animal est parfois perçu comme une charge, pas comme un être vivant à part entière. » Pour certains propriétaires, l’adoption n’a jamais été un vrai lien affectif.
Elle observe aussi que les humains qui abandonnent rejouent souvent une scène de leur propre histoire personnelle. L’abandon devient un écho douloureux de leur passé, et l’animal, sans le savoir, déclenche une zone de malaise refoulée.
Abandonner, dans ce cas, ne soulage pas la conscience. Cela laisse une trace émotionnelle, parfois longtemps après l’acte.
Que faudrait-il faire maintenant ? Les propositions que nous faisons
Planipets Média propose trois leviers concrets, chiffrés et applicables immédiatement :
Un fonds national de soutien animalier de 100 M€/an
Ce montant correspond à une estimation réaliste, en accord avec les besoins exprimés par les grandes associations de protection animale. Il permettrait de renforcer durablement les refuges, d’organiser des campagnes de stérilisation massive (notamment dans les zones rurales et en Outre-mer), et de soutenir les familles en difficulté confrontées à des frais vétérinaires imprévus. Ce serait un véritable plan social et sanitaire, pensé pour traiter les causes structurelles de l’abandon, pas seulement ses conséquences.
Appliquer réellement les sanctions existantes
Mettre en place des peines planchers, des amendes irrévocables, et organiser la publication des condamnations pour dissuader les futurs abandons.
Automatiser le suivi via I-CAD
En cas de rupture suspecte, organiser le croisement des données avec les fourrières et le signalement aux autorités compétentes.
Ce plan n’a rien d’excessif dans ses ambitions. Il est à la hauteur du drame collectif que représente l’abandon animal en France.
Et si c’était toi qu’on abandonnait ? Imagine rien qu’une fois
L’abandon n’est pas un acte banal à prendre à la légère. Ce n’est pas une anecdote du quotidien, mais un effondrement du lien entre l’homme et l’animal. Une cassure profonde dans notre rapport au vivant.
Chaque été, des milliers de chiens attendent quelqu’un qui ne reviendra jamais les chercher.
Et si cette fois, au lieu de détourner le regard, nous tendions la main vers ces êtres abandonnés ?
Un article de Loréna Achemoukh, pour Planipets Média