Par Loréna Achemoukh – Planipets Média
Pendant longtemps, les faits divers impliquant les animaux restaient confinés à la rubrique des anecdotes. Aujourd’hui, ils en sortent. Pas parce qu’ils sont plus nombreux. Mais parce qu’ils sont plus durs. Plus froids. Et qu’ils frappent là où on ne les attendait pas : dans nos villages.
À Saint-Antonin-du-Var, une vingtaine de chats ont été retrouvés mutilés, selon Ouest France. Certains drogués. D’autres scalpés, les pattes arrachées, les reins brisés. Et presque toujours : rasés, comme une signature macabre. La presse locale a relayé l’information. Le maire a pris la parole. Les habitants ont peur. Et l’auteur court toujours.
Il y a, dans cette affaire, quelque chose de plus grave qu’un fait divers. Quelque chose qui nous parle de nous.
Une cruauté sans visage, mais pas sans racine
Ce type de barbarie ne naît pas dans un vide. Il s’ancre dans un terreau : celui d’un traitement inégal de la souffrance animale. Car non, elle n’est pas banalisée dans les cœurs. Mais elle l’est parfois dans les faits. Parce qu’on réagit selon le contexte. Parce qu’on s’indigne sur les réseaux, mais sans suite. Parce que trop d’affaires restent sans conséquences.
On vit dans un pays où les animaux sont aimés, entourés, parfois surprotégés. Et pourtant, certains peuvent être torturés, en silence, sans que personne ne sache quoi faire. C’est là que le danger s’installe : dans cette dissonance. Ce que nous valorisons dans l’intime n’est pas toujours défendu dans l’espace collectif.
Dans les petites communes, les chats sont souvent les premiers à « disparaître ». Ils errent, passent de jardin en jardin, s’infiltrent sans qu’on les voie. Mais quand ce sont des chats identifiés, suivis, chéris… et qu’ils reviennent les yeux éteints, les membres brisés, il ne s’agit plus d’accidents. Il s’agit d’un acte. Et d’un seuil franchi.
Une justice qui peine à suivre
Pour l’instant, aucune arrestation. Aucune certitude. Juste un faisceau de témoignages. Certains parlent d’un homme au comportement étrange. D’autres évoquent des chats ciblés pour leur race, leur couleur, leur proximité avec l’humain. Mais rien n’avance. Et cette lenteur nourrit un sentiment : celui d’une impunité durable.
La commune, elle, subit autant qu’elle agit. Elle n’est pas la police. Elle n’a ni les outils d’enquête, ni les pouvoirs d’intervention. Et bien sûr, on ne peut pas attendre d’elle une mobilisation formelle à chaque animal perdu ou retrouvé blessé. Mais dans des situations graves, répétées, visibles, ce qu’on attend aussi des pouvoirs publics, c’est un signal. Pas une enquête parallèle, mais une parole ferme, un lien avec les habitants, un appui visible. Car dans ces moments-là, ce que l’on protège, ce n’est pas seulement un animal. C’est une confiance collective.
Le rôle de la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) est aussi à rappeler ici : cette autorité administrative est compétente pour enquêter sur les cas de maltraitance animale, en lien avec les forces de l’ordre. Trop peu de citoyens savent à qui signaler ce type de faits. Et trop peu de collectivités osent solliciter ouvertement ce soutien.
Ce que cela révèle de nous
Certains diront qu’il y a des choses plus graves. Et c’est vrai. La maltraitance animale n’efface pas les violences faites aux enfants, aux femmes, aux personnes âgées. Mais ce n’est pas une hiérarchie de souffrance. C’est une question de seuil.
Ce que nous tolérons ici, dans le silence, dit quelque chose. Ce que nous laissons passer, quand l’innocent n’a pas de voix, façonne ce que nous devenons.
Réagir à ces actes, ce n’est pas faire passer l’animal avant l’humain. C’est refuser que l’impunité devienne une norme. C’est empêcher que la douleur — qu’elle soit animale ou humaine — ne devienne invisible sous prétexte qu’elle n’est pas prioritaire.
La violence faite aux animaux est un baromètre moral. Ce n’est pas une phrase d’ONG, c’est un fait social. Elle montre où nous en sommes. Et ce que nous laissons passer.
Nous vivons dans un pays où l’animal est reconnu comme un être sensible depuis 2015. Mais cette sensibilité, trop souvent, reste théorique. La loi avance. La réalité, elle, piétine.
Une responsabilité partagée
Regarder ailleurs, c’est déjà participer. Réduire cela à « un fou isolé », c’est se défausser. Il faut poser la question : qu’avons-nous toléré jusque-là ? Qu’avons-nous laissé glisser, sans un mot ?
La maltraitance animale ne commence pas avec un scalpel. Elle commence avec une indifférence. Une blague douteuse. Un chat jeté dehors parce qu’il miaule trop. Une plainte classée sans suite.
Et à l’inverse, chaque regard, chaque signalement, chaque réveil citoyen est un rempart.
Il ne s’agit pas de tout politiser. Il s’agit de nommer ce qui se passe. Et de ne pas l’accepter.
Car ce que nous protégeons, en dénonçant cela, ce ne sont pas seulement des chats. C’est l’idée que nous nous faisons d’une société humaine.
Et cette idée, elle commence souvent par les plus vulnérables. Ceux qui ne parleront jamais. Mais dont le silence hurle assez fort pour qu’on ne dise plus : on ne savait pas.
Encadré – Ce que dit la loi
- Statut juridique de l’animal : Depuis la loi du 16 février 2015, les animaux sont reconnus comme des “êtres vivants doués de sensibilité” dans le Code civil.
- Article 521-1 du Code pénal : Le fait d’exercer des sévices graves, ou des actes de cruauté envers un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité est puni de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
- Enquête et suites données : Selon plusieurs associations de protection animale, plus de 70 % des plaintes pour maltraitance animale sont classées sans suite, faute de preuves ou de moyens d’investigation.
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