Il n’avait ni collier ni laisse. Pas de maître à proximité. Rien qu’un regard fuyant, un pelage sale, un corps amaigri. En plein cœur de Chevannes, un village de l’Essonne, un chien errait en silence, évitant les passants, fuyant les gestes, comme s’il savait que s’arrêter, c’était prendre un risque de trop.
Delphine Dumais, éducatrice canine, donne l’alerte
Delphine Dumais, éducatrice canine et comportementaliste, le voit pour la première fois un vendredi soir. Ce genre de regard, elle le connaît. Ce n’est pas de la désobéissance. C’est de la peur en vrac, qui déborde sans prévenir. Elle note sa démarche affolée, ses mouvements en zigzag, son refus total du contact. Et surtout, cette extrême maigreur qui ne trompe pas.
Le lendemain matin, une habitante l’appelle. Le chien s’est réfugié dans un jardin. Delphine se rend sur place. Elle tente une approche. Le chien grogne, se recroqueville, tremble. Aucune agressivité franche, juste une incapacité absolue à faire confiance. Mais sans perche de capture, elle sait qu’elle ne pourra rien faire seule. Elle appelle une association pour l’aider. Entre-temps, une tentative est faite pour sécuriser l’animal dans un espace communal. Le maire, Sami Ben Ouada, est informé. Il est immédiatement impliqué.
Fuite, stress, panique : rien ne se passe comme prévu
Mais la scène dérape. Une joggeuse passe à proximité. Le chien panique et s’enfuit à nouveau. Une nouvelle fois, il disparaît.
Ce n’est qu’en fin de journée qu’il est retrouvé. Il s’est réfugié derrière le local de SOS Médecins. Cette fois, Delphine revient avec l’association. Le maire est de nouveau présent. Pendant deux heures, tous tentent une approche. Rien n’y fait. Trop craintif. Trop brisé. À contrecœur, ils appellent la brigade animalière des pompiers. L’attente est longue. Mais les secours finissent par arriver, et parviennent enfin à le capturer. Sans cris. Sans violence. Juste une tension partagée, comme une opération de désamorçage.
Sami Ben Ouada refuse l’option la plus simple
Et c’est à ce moment précis que l’histoire aurait pu basculer vers sa fin.
La mairie de Chevannes n’a pas de contrat avec une fourrière. Pas par négligence. Par choix. Car ces structures, bien que réglementées, sont souvent gérées par des sociétés à but lucratif. Dans les cas les plus délicats – chiens non identifiés, sans propriétaire, craintifs au point d’être classés à risque – l’issue classique est souvent la même : l’euthanasie par précaution.
Mais ce soir-là, Sami Ben Ouada prend une décision simple, claire, mais peu banale : ce chien ne partira pas en fourrière. Il passera la nuit à la mairie. Le lendemain, un dimanche, Delphine, l’association et le maire l’emmènent chez un vétérinaire. L’animal boite, il est sale, désorienté. Aucun tatouage, aucune puce. Non castré, non vacciné. Et toujours, cette peur des hommes.
Tykko : un survivant, pas un cas désespéré
Pendant plusieurs jours, malgré les annonces faites dans tout le village, personne ne le réclame. Et au lieu de laisser le sort décider, la mairie choisit d’agir. Elle prend en charge les soins : identification, vaccination, castration. Delphine forme les équipes à ses réactions, à ses codes, à sa manière de prévenir quand il se sent acculé. Le chien est rebaptisé. Il s’appelle désormais Tykko.
Aujourd’hui, Tykko est encore marqué. Il a gardé quelques peurs, surtout envers les hommes. Mais il apprend vite. Il s’attache. Il teste les limites. Il commence à faire confiance, à condition qu’on ne le force pas. On ne dresse pas un chien comme Tykko. On l’apprivoise. On le répare doucement.
Comme tout chien ayant connu la peur et l’errance, Tykko a nécessité un encadrement strict. Une muselière a été utilisée durant les premières sorties. Des séances d’observation comportementale ont été menées. La prudence n’a jamais été mise de côté. Adopter un chien qui revient de loin, c’est s’engager à le protéger — et à protéger les autres.
Il a même pris son premier bain. Une étape symbolique, documentée par la mairie, qui marque le début d’un autre parcours : celui de l’adoption. Tykko est aujourd’hui prêt à intégrer une famille. Il cherche un foyer, une présence douce, une patience sincère.
Ce chien est encore vivant. Et ce n’est pas un hasard
Et s’il est encore là aujourd’hui, c’est parce qu’un jour, plusieurs personnes ont décidé que sa vie valait un détour. Delphine, l’association, les habitants. Les pompiers. Et un maire, qui n’a pas cherché une solution rentable. Juste une décision juste.
« Face à un animal en détresse, une commune a deux choix : fermer les yeux ou tendre la main. Ce jour-là, nous avons choisi de tendre la main. Aujourd’hui, ce chien s’appelle Tykko. Il prend des bains. Il cherche une famille. Il est vivant. » – Sami Ben Ouada, maire de Chevannes
Cette histoire a suscité des réactions dans la commune. Mais elle pose une question simple : que fait-on, collectivement, face à un animal en danger ? Ce jour-là, certains ont choisi d’agir. Et Tykko est encore là pour en témoigner.
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