Dans le Territoire de Belfort, une discipline canine encore méconnue attire de plus en plus d’adeptes. Encadrés par un éducateur passionné, des binômes maîtres-chiens s’initient à une pratique étonnante : le mantrailing, l’art de suivre une piste humaine grâce au flair du chien.
Une balade pas comme les autres
Un dimanche matin, à Belfort, les passants observent avec curiosité une scène peu commune. Une dogue de Majorque au harnais orange hume un mouchoir enfermé dans un sachet plastique, puis s’élance, longe tendue, à travers les ruelles du centre-ville. À ses côtés, sa propriétaire tente de suivre le rythme.
Cette mise en scène, orchestrée par l’éducateur canin Stéphane Jeannerey, n’a rien d’un simple jeu. L’homme encadre une séance de mantrailing, une discipline importée d’Allemagne qui consiste à apprendre à un chien à retrouver la trace olfactive d’une personne. Dans cette pratique, l’animal suit une odeur spécifique, même au milieu d’un environnement saturé d’autres effluves.
Crédit photo : Planipets Média
D’après francebleu.fr, l’exercice est préparé à l’avance : la personne “disparue” parcourt un itinéraire inconnu des autres participants avant de laisser un objet imprégné de son odeur. C’est cette trace qui servira de point de départ à la recherche. Une fois la piste donnée, le maître doit s’effacer et faire confiance à son compagnon.
La confiance, clé de la réussite
Pour Stéphane Jeannerey, tout repose sur le lien entre le chien et son maître. Il explique que les humains ont souvent tendance à douter de leur animal, alors que celui-ci suit instinctivement la bonne direction. Durant les séances, l’éducateur apprend donc aux participants à observer et à laisser le chien travailler, sans chercher à le diriger.
La chienne Vina, malgré les distractions, remonte patiemment la piste à travers les rues animées jusqu’à retrouver la personne recherchée. Sa propriétaire, Claudia, avoue après l’exercice qu’elle ne s’attendait pas à un tel résultat. Malgré la complexité du parcours et la présence d’odeurs parasites, sa chienne a gardé le cap.
Cette scène illustre le principe fondamental du mantrailing : développer une relation de confiance mutuelle. Le maître apprend à lire les signaux de son chien — un changement d’allure, un arrêt, un reniflement plus appuyé — autant d’indices subtils qui montrent que l’animal a capté la bonne piste.
Un loisir, mais aussi une mission potentielle
Si la majorité des pratiquants s’adonnent au mantrailing pour le plaisir et la stimulation mentale qu’il procure à leur chien, certains visent un objectif plus concret. Stéphane Jeannerey, affilié à l’école Mantrailing Passion, rappelle qu’il existe des certifications permettant de participer à des opérations de recherche de personnes disparues, aux côtés d’associations reconnues comme l’Association de Recherche des Personnes Disparues (ARPD).
Ces bénévoles formés peuvent, sur demande de familles ou de structures locales, venir en appui lors de battues. Leurs interventions ne remplacent pas celles des unités cynophiles de la gendarmerie, mais apportent un regard complémentaire. À ce jour, la gendarmerie du Territoire de Belfort indique n’avoir encore jamais fait appel à des équipes civiles de ce type.
Cette perspective séduit néanmoins certains maîtres. Pour eux, il s’agit d’une manière d’utiliser les capacités naturelles de leur chien à des fins utiles, tout en conservant une approche ludique et bienveillante.
Le flair, un outil scientifique fascinant
Les performances olfactives des chiens continuent de fasciner les chercheurs. D’après plusieurs travaux menés par le CNRS et d’autres instituts spécialisés, leur odorat serait entre 10 000 et 100 000 fois plus développé que celui de l’être humain. Cette puissance s’explique par le nombre impressionnant de récepteurs olfactifs — environ 300 millions chez le chien, contre à peine 6 millions chez l’humain.
Chaque odeur laisse une véritable “signature chimique” que l’animal peut mémoriser et reconnaître plusieurs jours, voire plusieurs semaines après le passage d’une personne, selon des études de l’Institut Curie et de programmes de recherche en détection médicale.
En mantrailing, le chien apprend à identifier et à suivre cette empreinte olfactive dans des conditions parfois complexes : variations de température, circulation, pluie, vent ou obstacles urbains. Les éducateurs expliquent que chaque chien développe son propre style de pistage : certains suivent la piste de façon linéaire, d’autres préfèrent effectuer de petits cercles pour confirmer la direction.
L’éducateur joue alors un rôle d’interprète, observant la posture et les réactions de l’animal pour comprendre ce qu’il perçoit. Loin d’être une simple activité sportive, le mantrailing se rapproche ainsi d’un travail de coopération scientifique, où l’intuition animale rencontre la méthode humaine.
Des bénéfices visibles sur le comportement des chiens
Pour Laeticia, une habitante de Belfort qui pratique cette activité depuis trois ans avec sa chienne Ranga, le mantrailing a profondément modifié leur relation. Elle raconte, selon francebleu.fr, que cette pratique leur a permis de renforcer leur complicité tout en canalisant l’énergie de son animal.
Ce retour est fréquent parmi les adeptes. De nombreux propriétaires de chiens actifs, comme les bergers ou les chiens de chasse, découvrent dans cette activité une manière d’équilibrer leur animal. Le pistage demande de la concentration et de la patience, ce qui favorise un comportement plus calme au quotidien. Pour l’éducateur belfortain, le mantrailing aide aussi les maîtres à changer leur regard sur leur chien.
Plutôt que de vouloir le contrôler, ils apprennent à le comprendre et à s’adapter à son rythme. Cette posture d’écoute renforce la complicité et réduit les incompréhensions souvent à l’origine de troubles du comportement.
Un engouement croissant en France
Le mantrailing connaît aujourd’hui un véritable essor en France, avec de nombreux clubs et groupes indépendants, souvent animés par des éducateurs expérimentés issus du sauvetage ou du comportement animal. Cette activité, qui consiste à entraîner le chien à suivre une piste olfactive pour retrouver une personne, est ouverte à toutes les races de chiens, sans limitation d’âge ni de taille.
Le mantrailing permet ainsi de renforcer le lien entre le chien et son conducteur tout en valorisant les capacités naturelles de l’animal. Cette discipline attire de plus en plus de passionnés et propose des stages et entraînements adaptés à différents niveaux, favorisant une pratique accessible et conviviale.
Les séances ne nécessitent qu’un matériel simple : un harnais confortable, une longe d’une dizaine de mètres et un objet odorant soigneusement conservé dans un sac hermétique. Le coût moyen d’un cycle de dix séances avoisine 250 euros, selon francebleu.fr.
L’ambiance y est délibérément bienveillante. Pas de chronomètre, pas de compétition : l’objectif est de renforcer le lien humain-animal. Les éducateurs insistent sur le respect du bien-être des chiens et la sécurité des exercices.
Comment débuter en mantrailing ?
Pour ceux qui souhaitent essayer, la première séance consiste à découvrir le fonctionnement du flair canin. Les éducateurs commencent par des parcours courts et simples, souvent en ligne droite, afin d’observer les réactions de l’animal. Progressivement, les distances s’allongent et les environnements se complexifient : parcs, zones boisées, villages, centres urbains.
Il est conseillé de s’adresser à un professionnel diplômé, rattaché à un réseau reconnu comme Mantrailing Passion. Ces instructeurs garantissent une approche éthique et sécurisée, notamment sur la manipulation des odeurs et la gestion des situations imprévues.
Les chiens peuvent débuter dès l’âge de six mois, à condition d’être sociables et en bonne santé. L’activité convient aussi aux animaux âgés ou convalescents, car elle privilégie la concentration plutôt que la performance physique.
Un nouveau lien entre humains et chiens
Au-delà de la technique, le mantrailing reflète une évolution profonde du rapport à l’animal. Les maîtres ne cherchent plus seulement à éduquer, mais à coopérer. Le chien devient un partenaire à part entière, doté de compétences que l’humain apprend à reconnaître. Pour Stéphane Jeannerey, cette discipline réhabilite l’instinct du chien dans un cadre moderne.
Elle permet à l’animal de s’exprimer, d’utiliser ses sens et de retrouver une forme d’autonomie. Le maître, de son côté, découvre la puissance de la confiance mutuelle. Dans les rues de Belfort, ces duos qui suivent une piste invisible offrent un spectacle touchant : celui d’une entente silencieuse où chaque pas raconte une histoire de patience, d’écoute et de respect.
Conclusion
Entre loisir, apprentissage et parfois mission d’utilité publique, le mantrailing représente bien plus qu’un simple sport canin. C’est un dialogue entre deux espèces, guidé par un instinct ancestral et une curiosité commune. À travers ces séances, l’humain apprend à suivre sans diriger, et le chien, à guider sans contrainte. Ensemble, ils rappellent que la confiance reste la plus belle des boussoles.
Questions fréquentes sur le mantrailing
Le mantrailing est-il réservé à certaines races de chiens ?
Non. Toutes les races peuvent pratiquer le mantrailing, du chihuahua au berger allemand. Ce qui compte, c’est la motivation du chien et la patience du maître. Même les chiens âgés ou timides peuvent y trouver un excellent moyen de s’épanouir.
À partir de quel âge un chien peut-il commencer ?
Les éducateurs recommandent de débuter vers 6 mois, quand le chiot a déjà acquis les bases de la marche en laisse. Les jeunes chiens apprennent vite à canaliser leur énergie, tandis que les adultes y trouvent une activité mentale stimulante.
Peut-on participer à de vraies recherches de personnes disparues ?
Oui, mais seulement après une formation certifiante délivrée par des écoles agréées, souvent en lien avec l’Association de Recherche des Personnes Disparues (ARPD). La majorité des pratiquants le font toutefois comme un loisir éducatif, sans vocation professionnelle.
Article rédigé par Valérie Vanbiervliet pour Planipets Média
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