PARIS — Une naissance rare, presque passée sous silence. Le 8 mai 2025, dans la biozone Madagascar du Parc zoologique de Paris, trois fossas ont vu le jour. Trois petits prédateurs souples, puissants, fascinants… mais qui n’attirent que peu de regards. Pendant ce temps, les fils d’actualité croulent sous les photos de chiots, les concours de chats « les plus mignons du web », les filtres pour donner une tête de labrador à son visage. Dans l’ombre, le plus grand carnivore de Madagascar lutte pour exister. Même en naissant.
Une portée unique en Europe cette année
Il y a aujourd’hui moins de 70 fossas dans tous les parcs zoologiques européens. Cette naissance — une femelle de 11 ans, un mâle de 13 ans venu spécialement de Belgique — est une réussite technique rare. Car la reproduction du fossa n’a rien d’aisé : la femelle n’est fertile qu’une seule semaine par an, et en dehors de cette période, toute cohabitation avec un mâle est formellement déconseillée. Le risque ? Des conflits mortels.
Pourtant, grâce à l’expérience des soigneurs et à une observation minutieuse, le Parc zoologique de Paris a permis cette mise en contact décisive. Trois petits fossas sont nés. Ils ont désormais deux mois, pèsent chacun plus de 700 grammes, et ont fait leur première apparition publique. Mais qui en parle ?
Chiens et chats : menace à l’extérieur, absents à l’intérieur
Ce succès tient aussi à la vigilance constante contre les espèces envahissantes, notamment les chiens et les chats, qui dans la nature malgache représentent une pression directe sur les fossas. À l’extérieur, ces animaux introduits — parfois redevenus sauvages — dérangent les cycles de reproduction, s’attaquent aux jeunes, ou entrent en concurrence directe pour les proies. Dans les parcs zoologiques, ces intrusions sont impossibles. Et c’est justement cette sécurité, cette absence de perturbateurs extérieurs, qui rend ces naissances possibles.
En milieu naturel, chaque portée est un miracle menacé dès les premiers jours. Mais ici, grâce à un environnement maîtrisé, une alimentation rigoureuse, et surtout l’absence totale de chiens et chats aux abords des installations, les petits ont pu naître, grandir et s’épanouir sans être dérangés. C’est un paradoxe cruel : ceux qu’on adore chez nous deviennent des nuisibles ailleurs
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Un silence bruyant : quand les chiens font de l’ombre aux fossas
Regardez les tendances Google. Tapez « fossa » — vous trouverez peut-être quelques images, des articles confidentiels, quelques notes scientifiques. Tapez « chiot labrador », et l’algorithme s’emballe : vidéos, boutiques, comparateurs d’assurance, calendriers, jouets, croquettes, filtres Instagram. Le fossa n’a pas sa place dans cette grande cour de récré numérique.
Pourtant, ce carnivore arboricole est le roi discret des forêts malgaches. Il se nourrit de lémuriens, grimpe, bondit, se camoufle, chasse. Il appartient à une famille unique sur Terre : les Eupleridae, propre à Madagascar. Mais face à la déforestation, aux chiens et chats domestiques introduits sur l’île, et aux pièges empoisonnés posés pour d’autres, il recule. Lentement. Silencieusement.
Une naissance, et puis quoi ?
Ces trois fossas, nés dans un parc parisien, ne sont pas seulement une curiosité zoologique. Ils sont un acte de résistance biologique. Un rappel que certaines espèces ne survivent que grâce à des passionnés invisibles, à des soignants discrets, à des protocoles précis coordonnés à l’échelle européenne.
Le programme EEP (European Endangered species Programme) qui encadre cette naissance n’est pas un simple registre. C’est un fil tendu entre les continents, une tentative de maintenir vivantes des lignées génétiques que les bulldozers effacent ailleurs. Le mâle, arrivé de Belgique pour une courte période, était sélectionné pour sa diversité génétique. La femelle, à sa troisième portée, est précieuse. Ses petits seront peut-être les parents d’autres fossas demain.
Mais alors… pourquoi si peu d’écho ?
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Et si on faisait moins de likes, plus de place ?
Ce n’est pas une guerre entre les espèces. Ce n’est pas le procès des chats, ni celui des chiens. C’est un appel à l’attention. Chaque année, les naissances de lions, d’éléphants, de pandas font les gros titres — à condition qu’il y ait une caméra. Mais pour le fossa, l’actualité reste confidentielle. Comme si son destin était trop discret pour nos réseaux, trop complexe pour nos algorithmes.
Pourtant, ce prédateur solitaire est menacé à chaque étape de sa vie. À Madagascar, il subit la déforestation, la concurrence des chiens et chats redevenus sauvages, et l’empoisonnement collatéral. Dans les parcs européens, il dépend du savoir-faire humain pour simplement exister. L’espèce est classée vulnérable par l’UICN.
Planipets et la visibilité des espèces oubliées
Chez Planipets, nous croyons qu’aimer les animaux, ce n’est pas seulement partager la photo de son chat sur le canapé. C’est aussi regarder ceux qu’on ne voit jamais, écouter le silence des forêts qu’on détruit, découvrir les gestes discrets qui sauvent une espèce entière.
En rendant hommage à cette naissance, nous espérons aussi faire un pas de côté. Dire que l’attachement aux animaux ne se résume pas à ceux qu’on adopte. Il s’étend à ceux qu’on protège, qu’on observe, qu’on comprend à distance.
Vous pouvez vous émerveiller devant votre chien. Et, dans le même souffle, vous intéresser aux fossas. Vous pouvez aimer votre chat, et soutenir un programme de conservation. Il ne s’agit pas de choisir, mais d’élargir.
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Et maintenant ?
Les petits fossas vont grandir. Leurs noms seront choisis prochainement, par les parrains du Parc zoologique de Paris, avec l’aide d’étudiants malgaches. Peut-être auront-ils des descendants. Peut-être retourneront-ils, un jour, dans une forêt régénérée.
Mais pour cela, il faut qu’on se souvienne qu’ils existent. Il faut qu’on en parle. Il faut qu’on les regarde, au moins une fois, comme on regarde nos compagnons à quatre pattes chaque jour.
Parce que le monde animal ne se limite pas à nos foyers. Il bat aussi, loin de nous, dans des enclos cachés et des forêts menacées. Et chaque naissance comme celle-ci est un miracle qu’on ne peut plus ignorer.
Article rédigé par Loréna Achemoukh pour Planipets Média
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