“Je l’ai fait pour lui. Mais je m’en veux.”
Clara, 41 ans, vit seule avec ses deux enfants depuis trois ans, près de Lyon. Milo, son chat roux, était là avant eux. Dix-sept ans d’une présence tranquille. Ni pot-de-colle, ni indépendant à outrance : juste là, toujours.
Mais l’année dernière, Milo a commencé à décliner. Petit à petit. Ses reins ont cessé de fonctionner correctement. Il vomissait, dormait tout le temps, refusait les croquettes qu’il adorait autrefois. Il ne montait plus sur le canapé. Il s’isolait dans le couloir, la tête contre le mur.
“J’ai attendu, je l’ai soigné, j’ai espéré,” confie Clara. “Mais un matin, il a miaulé d’une façon que je n’avais jamais entendue. Comme une plainte. Comme un appel.” Elle a pris rendez-vous dans l’heure. Le vétérinaire a été clair : il n’y avait plus grand-chose à faire.
Alors elle a dit oui. Pour lui. Pour abréger ses souffrances.
Le jour où tout s’arrête
Clara s’est assise à côté de lui, dans la petite salle blanche. Elle lui a caressé la tête. Elle a signé les papiers. Et pendant qu’on injectait le produit, elle a chuchoté : “C’est mieux comme ça.”
C’était sincère. Et presque mécanique. Une phrase qu’on dit pour se rassurer, pour garder le contrôle.
Elle est rentrée chez elle avec la cage vide. Et pendant les premières heures, elle a tout rangé. La litière. Les gamelles. Les coussins. Elle a même envoyé un message à sa sœur :
“Ça y est. Je l’ai fait. C’était mieux pour lui.”
Mais dès le lendemain matin, les pensées ont commencé à tourner. Pas les souvenirs — la phrase.
“C’est mieux comme ça.” Répétée. Ressassée. Et soudain, elle sonnait faux.
La culpabilité n’arrive pas toujours tout de suite
Clara ne s’attendait pas à cette forme de douleur-là. Ce n’était pas de la tristesse. C’était plus insidieux. Un malaise, une honte. Quelque chose d’inavouable.
Elle a commencé à se dire qu’elle avait été lâche. Qu’elle avait peut-être agi trop vite. Et surtout : qu’elle avait décidé de la mort de Milo. “Qui suis-je pour avoir choisi quand il devait partir ?”
Pendant plusieurs jours, elle a évité d’en parler. Même à ses enfants. Elle a fait comme si de rien n’était.
Mais la nuit, elle se réveillait en sursaut. Elle pensait à ce dernier regard. À cette voix intérieure qui murmurait : tu aurais pu attendre encore un peu.
Horrible à vivre !
Quand on enterre l’amour sous la raison
Ce que Clara ressent, beaucoup d’autres l’ont vécu sans le dire. Parce que l’euthanasie d’un animal est souvent présentée comme un “acte d’amour”, un “dernier cadeau”, une “preuve de responsabilité”.
Mais personne ne parle du vide que ça laisse. Et encore moins de cette phrase qu’on prononce parfois sans en mesurer le poids : “C’est mieux comme ça.”
Derrière ces cinq mots se cache un cocktail émotionnel complexe :
- le soulagement de ne plus voir l’animal souffrir,
- la culpabilité de l’avoir laissé partir,
- et une forme de déni pour ne pas s’effondrer tout de suite.
Clara l’explique aujourd’hui ainsi :
“Je crois que j’ai voulu me convaincre. Mais en disant ça, j’ai étouffé tout le reste. J’ai eu l’impression de trahir ce que je ressentais vraiment.”
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Le chagrin invisible des “décideurs”
Il y a une violence psychologique propre à ceux qui “choisissent” l’euthanasie.
Non pas parce qu’ils veulent la mort de leur animal — bien au contraire.
Mais parce que cette responsabilité leur revient, brutalement, dans un monde qui ne laisse pas de place au doute.
Clara raconte :
“Le vétérinaire ne m’a pas forcée. Mais il m’a regardée en disant : ‘Vous seule pouvez décider.’ Et je l’ai fait. Parce que j’ai cru que c’était mon rôle. Mais je n’étais pas prête à vivre avec ça après.”
Dans les jours qui ont suivi, elle n’a reçu que des réactions rationnelles :“Tu as bien fait.” “Il ne souffre plus.” “Tu l’as accompagné avec dignité.”
Mais aucune de ces phrases ne guérissait la faille qu’elle sentait s’ouvrir en elle.
Une douleur sans reconnaissance sociale
Dans notre société, la perte d’un animal reste un deuil mal identifié, mal encadré, mal accueilli.
Clara s’est sentie seule dans ce chagrin parce que les gens ne comprenaient pas le nœud de sa douleur. Elle n’avait pas seulement perdu Milo. Elle s’était perdue elle-même, en se persuadant que c’était “mieux”.
Elle raconte qu’elle a même évité de parler à ses collègues pendant quelques jours, de peur qu’on la trouve ridicule. “Je me suis surprise à dire que ‘j’allais bien’. Alors que j’avais envie de hurler.”
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Et Clara n’est pas un cas isolé.
Chaque année, on estime à plus de 100 000 le nombre d’euthanasies animales pratiquées en France.
Chiens, chats, nouveaux animaux de compagnie… Derrière ce chiffre, ce sont des centaines de milliers de décisions déchirantes, prises souvent dans l’ombre, entre culpabilité, amour et solitude émotionnelle. La majorité n’en parle jamais. La société, elle, regarde ailleurs.
Estimation basée sur les données croisées de la FACCO sur la population animale domestique, des retours terrain de vétérinaires praticiens et des taux de mortalité rapportés dans les congrès VetAgro Sup et SNVEL. Ce chiffre est également évoqué par Wamiz, Vetostore et la Fondation 30 Millions d’Amis entre 2021 et 2024.
Et si c’était le bon choix… mais mal accompagné ?
Le problème, ce n’est pas forcément le choix en soi. Dans de nombreux cas, l’euthanasie reste un acte de compassion. Mais ce qui fait mal, c’est la solitude émotionnelle qui l’entoure. Le manque d’accompagnement psychologique. Le manque de rituels pour faire une vraie place au deuil.
Clara aurait aimé qu’on lui dise autre chose ce jour-là. Pas seulement “vous avez bien fait”.
Mais peut-être : “C’est normal de douter.” “Vous avez le droit de souffrir.” “Et surtout, ce n’est pas à vous de porter ça seule.”
Ce qu’elle dirait aujourd’hui à quelqu’un qui vit la même chose
Un an après, Clara ne s’est pas “remise”. Elle a appris à vivre avec. Elle a collé une photo de Milo dans l’entrée. Elle a gardé un de ses coussins, qu’elle a placé sur une étagère. Et elle a surtout arrêté de dire que “c’était mieux comme ça”.
“Ce n’était pas mieux. C’était ce qu’il fallait, peut-être. Mais c’était insupportable. Et c’est OK de le dire.”
Aujourd’hui, elle aide d’autres personnes à traverser cette étape via des groupes en ligne. Elle y partage son expérience, ses regrets, mais aussi ses éclairages. Et elle conclut souvent par cette phrase :
“Ne vous détestez pas d’avoir choisi. Mais ne vous obligez pas non plus à aller bien tout de suite.”
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